Diplomatie International Politique

Les rencontres du Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé à Washington commencent à porter fruits et placent le TPS au cœur des débats en obtenant un soutien inédit du Sénat

Le Premier ministre avait un agenda chargé à Washington mais une conversation claire, qui n’a pas laissé d’ambiguïté. Dès son arrivée dans la capitale fédérale américaine, Alix Didier Fils-Aimé s’est lancé dans une série de rencontres diplomatiques de haut niveau. Son programme comportait des échanges avec des responsables de la Maison-Blanche, des membres du Congrès, du Sénat et des organismes régionaux comme l’OEA. Mais c’est son entretien du 15 juillet 2025 avec le sénateur Raphael Warnock qui a marqué un véritable tournant dans sa mission.

Cette rencontre a permis de placer des questions essentielles au centre des discussions : la sécurité nationale, la préparation d’élections crédibles et inclusives, et la protection des Haïtiens vivant aux États-Unis à travers le programme TPS. Le Premier ministre a choisi d’insister particulièrement sur ce dernier point, conscient qu’il touche directement des dizaines de milliers de familles haïtiennes installées en Amérique et inquiets des répercussions de la décision américaine de mettre fin à cette protection en août 2025.

Son message, selon plusieurs observateurs, a été clair et ferme. Dans un contexte de violence persistante et de déstabilisation institutionnelle, renvoyer des compatriotes dans un pays classé parmi les zones les plus dangereuses serait irresponsable. Cette approche a ouvert la voie à une nouvelle dynamique au Sénat, dix jours seulement après cette rencontre.

Une rencontre stratégique avec Raphael Warnock

Le 15 juillet, au Sénat, Alix Didier Fils-Aimé et le sénateur Raphael Warnock ont abordé sans détour les défis sécuritaires qui secouent Haïti. Le chef du gouvernement a dressé un état des lieux préoccupant, parlant d’un pays confronté à une explosion de la violence urbaine et d’institutions paralysées. Face à ce constat, il a plaidé pour un appui soutenu afin de renforcer la Police nationale d’Haïti et permettre la montée en puissance rapide de la mission multinationale de soutien à la sécurité.

Mais au-delà de la question sécuritaire, il a pris le temps d’expliquer combien la fin du TPS représenterait une catastrophe sociale. Des milliers d’Haïtiens établis aux États-Unis ont trouvé un équilibre et contribuent activement à l’économie américaine. Les renvoyer vers une capitale en proie aux gangs reviendrait à les exposer directement aux violences qu’ils avaient réussi à fuir. Ce plaidoyer a trouvé un écho immédiat auprès du sénateur Warnock, sensible au rôle de la diaspora haïtienne et à la gravité de la crise actuelle.

Les échanges ont aussi porté sur la loi HOPE/HELP, programme commercial qui soutient l’industrie textile haïtienne. Sur ce dossier, le Premier ministre a rappelé qu’un renouvellement rapide est indispensable pour sauver des milliers d’emplois. Il a souligné qu’une économie en ruine ne peut qu’aggraver l’insécurité, d’où la nécessité d’une approche globale qui allie stabilité politique, sécurité et développement économique.

Une lettre sénatoriale qui change la donne

Dix jours après cette rencontre, un groupe de neuf sénateurs a adressé une lettre officielle au Département d’État et au Département de la Sécurité intérieure. Les signataires – Edward Markey, Raphael Warnock, Chris Van Hollen, Elizabeth Warren, Bernie Sanders, Alex Padilla, Adam Schiff, Peter Welch et Cory Booker – mettent directement en cause la fin du TPS et posent des questions sur la cohérence de la politique américaine envers Haïti.

La lettre insiste sur une contradiction majeure : l’administration considère qu’Haïti est assez sûr pour y renvoyer ses ressortissants, mais dans le même temps elle approuve le déploiement d’entreprises militaires privées pour mener des opérations armées à Port-au-Prince. Les sénateurs demandent des explications claires avant le 15 août sur la politique américaine, les licences accordées à ces sociétés et l’évaluation des risques liés à cette stratégie.

Au cœur du message figure une exigence : ne pas sacrifier des vies haïtiennes pour des décisions administratives incohérentes. La question du TPS occupe une place centrale dans cette lettre et reflète le plaidoyer porté à Washington par le Premier ministre. Pour beaucoup, cette initiative illustre l’impact immédiat de sa mission diplomatique.

Le message public du sénateur Markey

Pour donner encore plus de visibilité à ce plaidoyer, le sénateur Edward Markey a publié un message sur les réseaux sociaux, repris par de nombreux médias. Ce message, traduit en français, dit :

« Le secrétaire Rubio et la secrétaire Noem ne peuvent pas avoir le beurre et l’argent du beurre. Si Haïti est suffisamment stable pour mettre fin au TPS, pourquoi des sous-traitants militaires privés américains se préparent-ils à des opérations de combat à Port-au-Prince ? Le sénateur Warnock et moi exigeons des réponses d’ici le 15 août. On ne peut pas expulser des gens vers une zone de guerre. »

Cette déclaration a immédiatement trouvé un large écho auprès de la diaspora haïtienne aux États-Unis, qui voit dans cette mobilisation une lueur d’espoir. Des dizaines de milliers de familles concernées par le TPS ont partagé ce message, remerciant publiquement les deux sénateurs pour avoir défendu leur cause dans un contexte aussi tendu.

Ce geste politique a aussi eu un effet médiatique important. Il a replacé Haïti au centre de l’actualité à Washington et a fait du TPS un enjeu de cohérence et de responsabilité. En quelques lignes, Markey a exposé le paradoxe de la position américaine et forcé le débat au plus haut niveau.

Au-delà de cette question cruciale, la mission du Premier ministre a inclus d’autres rencontres qui n’ont pas encore livré tous leurs effets. Son passage à la Maison-Blanche lui a permis de s’entretenir avec le directeur du Conseil de sécurité nationale pour l’hémisphère occidental. Il a également échangé avec le sous-secrétaire d’État Christopher Landau au Département d’État, ainsi qu’avec plusieurs membres influents de la Chambre des représentants et le secrétaire général de l’OEA, Albert Ramdin.

Ces entretiens ont abordé des thèmes comme la loi HOPE/HELP, l’appui technique et logistique à la police haïtienne, et les perspectives d’organisation d’élections crédibles. Mais pour l’heure, le résultat le plus visible est celui qui concerne le TPS : dix jours après la rencontre avec Warnock, une lettre et une mobilisation publique sont venues rappeler aux autorités américaines que la stabilité d’Haïti ne peut se construire en renvoyant de force ceux qui fuient l’insécurité.

Les prochains mois diront si ces efforts porteront des fruits plus larges : prolongation du TPS, soutien renforcé à la Mission multinationale de soutien à la sécurité, relance économique et renouvellement de la loi HOPE/HELP. Quelle sera la portée de ces contacts et quelles retombées positives ces rencontres avec le Congrès, le sous-secrétaire d’État, l’OEA et d’autres partenaires produiront-elles pour le pays ? Il n’est que d’attendre.

Desk Report

About Author

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *

Recevez les dernières mises à jour et les bonnes affaires

    @2024 All Rights Reserved by Haiti Herald News