Depuis son entrée en fonction, le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé s’impose peu à peu comme l’un des rares dirigeants à comprendre la complexité du moment haïtien. À la tête d’un gouvernement confronté à l’insécurité, à la pauvreté endémique et à une méfiance populaire généralisée, il tente, tant bien que mal, de réconcilier l’action publique avec l’espérance d’un peuple trop souvent trahi. Sa posture pragmatique, son ton mesuré et son souci d’efficacité contrastent avec les années de chaos et d’improvisation qui ont marqué les précédentes administrations.
Ce que l’on remarque d’abord chez le chef du gouvernement, c’est sa capacité à imposer une méthode de travail claire et structurée. Là où d’autres ont multiplié les discours, Fils-Aimé privilégie les réunions sectorielles, les évaluations concrètes et la reddition de comptes. Sa démarche, souvent inspirée d’une logique de gestion publique moderne, met l’accent sur la planification et la coordination interinstitutionnelle. En présidant régulièrement les conseils de gouvernement et en supervisant de près l’exécution du Programme d’Investissement Public (PIP), il entend replacer l’État au centre de la reconstruction nationale.
Mais sa mission demeure herculéenne. Héritier d’un pays fragmenté par la violence et l’instabilité, le Premier ministre sait qu’il n’a ni le luxe du temps ni celui de l’erreur. Sa priorité : restaurer la confiance. Confiance entre l’État et les citoyens, mais aussi entre les institutions et leurs partenaires internationaux. En multipliant les rencontres avec des représentants de l’OEA, du Canada, de l’Union européenne et de l’ONU, il cherche à rétablir la crédibilité d’Haïti sur la scène diplomatique, sans pour autant sacrifier la souveraineté nationale. Cette approche équilibrée, où coopération ne rime pas avec soumission, marque une rupture avec les pratiques clientélistes du passé.
Sur le plan sécuritaire, le Premier ministre s’attaque à la racine du mal. Il a soutenu la mise en place de centres de formation modernes pour la Police nationale, notamment à travers le partenariat avec l’OEA et le gouvernement canadien. Cette orientation traduit une conviction : la stabilité ne viendra pas sans une force publique professionnelle et encadrée. En parallèle, des efforts sont faits pour soutenir les familles des policiers tombés au champ d’honneur — un geste symbolique fort qui humanise l’action gouvernementale et redonne une dimension morale à la fonction de l’État.
Sur le plan social, Fils-Aimé s’efforce de replacer la dignité humaine au cœur de la politique publique. La relance des programmes d’aide sociale, la distribution de kits scolaires, le soutien aux familles vulnérables via MonCash et NatCash, ou encore la reprise des projets de logements sociaux illustrent une volonté claire : ne laisser personne de côté. Pour un pays où la misère a souvent été instrumentalisée politiquement, cette approche axée sur la protection sociale traduit une sensibilité rare dans le paysage politique haïtien.
Toutefois, le Premier ministre n’échappe pas aux critiques. Certains lui reprochent un excès de prudence, voire une lenteur dans la prise de décisions audacieuses. D’autres pointent la difficulté à contenir certains intérêts politiques ou économiques qui gravitent autour du pouvoir. Ces réserves ne sont pas infondées, mais elles doivent être analysées à la lumière d’un contexte politique où chaque pas vers la réforme se heurte à la résistance du système. Dans un pays où les institutions fonctionnent souvent en mode survie, la prudence devient parfois le seul moyen d’avancer sans tout briser.
Il serait injuste de juger Alix Didier Fils-Aimé à l’aune de quelques mois de gouvernance seulement. L’histoire retiendra peut-être de lui un Premier ministre de transition, mais aussi un homme d’État qui a tenté de remettre Haïti sur la voie du réalisme et du travail. Son défi n’est pas de séduire, mais de reconstruire. Et cela, dans une nation traumatisée par des décennies de dérives, exige une patience stratégique et une endurance politique hors du commun.
En définitive, Alix Didier Fils-Aimé incarne une forme de leadership apaisé et rationnel dont Haïti avait cruellement besoin. Il n’a pas choisi la facilité, ni la popularité. Il a choisi la voie difficile : celle de la réforme, du dialogue et de la cohérence. Le peuple haïtien attend désormais des résultats tangibles. Si son gouvernement parvient à restaurer la sécurité, à remettre en marche l’administration, et à préparer des élections crédibles, il pourra revendiquer une victoire politique majeure : celle d’avoir réhabilité la fonction publique comme outil de transformation nationale.
Car au fond, ce n’est pas seulement la réussite d’un homme qui est en jeu, mais la renaissance d’un État. Et si la stabilité devait enfin renaître en Haïti, elle porterait sans doute la marque d’un Premier ministre qui a su comprendre que gouverner, ce n’est pas régner, mais servir.


