La conférence de la Table Sectorielle sur la Sécurité (TSS), organisée par le CARDH à l’Hôtel Karibe, aura servi de tribune au Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé pour réorienter le débat public vers ce qu’il présente désormais comme l’axe incontournable de la transition : la construction d’une architecture sécuritaire suffisamment robuste pour soutenir le retour à l’ordre démocratique. Autour de lui, des représentants de l’OEA, de l’ONU, des instances judiciaires, de la PNH, des FAd’H et de plusieurs organisations de la société civile ont examiné la transformation de la MMAS en Force de Répression des Gangs (FRG), un projet que le chef du Gouvernement décrit comme la première « véritable rupture opérationnelle » depuis le début des opérations conjointes.

D’entrée de jeu, Alix Didier Fils-Aimé a présenté la FRG non pas comme une simple évolution technique, mais comme une reconfiguration stratégique capable de redonner souffle à une population frappée de lassitude et de méfiance. Il a insisté sur le fait que « la mise en place de la FRG constitue un signal d’espoir pour la Nation », rappelant que l’enjeu n’est plus seulement d’accompagner les forces de l’ordre, mais de reprendre progressivement le contrôle territorial, de rétablir la libre circulation et de démanteler les alliances criminelles qui paralysent l’économie, les institutions et la vie quotidienne.

Le Premier ministre a longuement développé l’idée que la bataille sécuritaire et le processus électoral ne peuvent plus être pensés séparément. Il a affirmé que « la sécurité demeure la condition essentielle à la tenue des prochaines élections », un message adressé autant aux partenaires internationaux qu’aux acteurs politiques internes tentés d’accélérer le calendrier sans garantir les conditions nécessaires. Selon lui, la transition risque de s’effondrer si les élections se déroulent dans un climat d’incertitude, de peur ou d’instabilité territoriale, faisant écho à plusieurs précédents électoraux qui ont laissé le pays profondément divisé.

Alix Didier Fils-Aimé a également mis l’accent sur ce qu’il appelle « la discipline institutionnelle », un concept qu’il utilise pour souligner la nécessité d’éviter toute démarche unilatérale au sein de la transition. Il a ainsi rappelé que « seule une unité nationale renforcée peut soutenir les forces de sécurité et rétablir l’autorité de l’État », une manière subtile de renvoyer les acteurs politiques à leurs responsabilités et de dénoncer, sans les nommer, les querelles internes qui fragilisent le Gouvernement depuis plusieurs semaines.

L’ensemble de son intervention s’est inscrit dans une logique de recentrage : recentrage du débat, recentrage des priorités, recentrage de la transition autour d’un trépied — sécurité, stabilité institutionnelle, conditions électorales — qu’il présente comme indissociable. Le Premier ministre a d’ailleurs insisté sur la collaboration sans faille entre le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) et la Primature, seule, dit-il, capable de garantir une continuité dans l’action et d’éviter les dérives qui ont souvent marqué les périodes de transition dans l’histoire récente du pays.

En quittant la TSS, Alix Didier Fils-Aimé a réaffirmé que la lutte contre les gangs ne sera pas un exercice ponctuel mais un travail de longue haleine nécessitant patience, ressources, coopération internationale et solidarité nationale. Il a salué le soutien constant des partenaires internationaux, tout en affirmant que la réussite du processus dépendra avant tout de la capacité de l’État haïtien à maintenir la cohésion, à s’approprier les outils mis en place et à préserver les avancées obtenues au prix d’efforts considérables.


