Depuis sa nomination comme Premier ministre de transition d’Haïti en novembre 2024, Alix Didier Fils-Aimé fait face à une montagne de défis. Dans un pays rongé par l’insécurité, la corruption, le désastre humanitaire et l’effondrement institutionnel, sa mission est claire mais redoutable : stabiliser, restaurer l’ordre public, relancer la gouvernance et préparer la voie à des élections démocratiques.
Un contexte explosif
Haïti vit une crise multisectorielle. L’effondrement des institutions républicaines depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse en juillet 2021 a laissé un vide de pouvoir. Les gangs armés contrôlent plus de 80% de la capitale Port-au-Prince, dictant leur loi, rackettant, kidnappant et tuant en toute impunité. Le peuple haïtien est livré à lui-même, et la police nationale, mal équipée et sous-financée, lutte pour garder le peu de territoire encore sous contrôle étatique.
Alix Didier Fils-Aimé est propulsé à la tête du gouvernement de transition pour remplacer Garry Conille par le Conseil présidentiel, lui-même une structure provisoire, fruit de compromis politiques fragiles. Homme d’affaires de formation, ancien président de la Chambre de commerce et d’industrie d’Haïti, il incarne un profil technocratique plus que politique. Ce choix vise à rassurer les partenaires internationaux, tout en assurant une certaine neutralité sur le plan partisan.
Les actions posées jusqu’ici
Dès sa prise de fonction, Fils-Aimé a rapidement formé son cabinet ministériel, en y intégrant des profils mixtes issus de la société civile, du secteur privé et de l’administration publique. Il a installé un nouveau ministre de la Justice, Me Patrick Pelissier, avec la mission de réformer la justice et d’accompagner les efforts de la Police Nationale d’Haïti (PNH) dans la lutte contre la criminalité.
Il a aussi initié des discussions avec les représentants de la mission multinationale dirigée par le Kenya, attendue pour appuyer la sécurité. Il a plaidé pour un budget renforcé de la PNH, et mis sur pied des opérations conjointes qui ont déjà permis des avancées à Kenscoff, Tabarre et Montrouis.
Les priorités à court et moyen terme
- Restauration de la sécurité publique
Sans sécurité, aucune gouvernance n’est possible. Le Premier ministre doit urgemment mobiliser les ressources de l’État, renforcer les capacités logistiques et humaines de la PNH, accélérer l’arrivée de la mission internationale, et déployer une stratégie claire de reconquête des zones contrôlées par les gangs.
- Lutte contre la corruption et transparence de la gouvernance
La corruption a miné la confiance de la population envers ses dirigeants. Une politique claire de tolérance zéro, avec des audits sur les fonds publics, la digitalisation des processus administratifs, et une autorité de contrôle indépendante seraient essentiels.
- Relance de l’économie locale
Haïti ne pourra se relever sans une stratégie de relance économique axée sur la production locale, la création d’emplois et la mobilisation de l’investissement étranger. Le Premier ministre doit faciliter l’accès au crédit pour les petites entreprises, renforcer l’agriculture, moderniser les infrastructures, et assainir le climat des affaires.
- Organisation des élections
La feuille de route du gouvernement de transition inclut l’organisation d’élections libres et transparentes d’ici novembre 2025. Cela nécessite la mise en place rapide d’un Conseil électoral provisoire, la garantie de la sécurité des candidats et électeurs, et la création d’un climat de confiance.
Un style de gouvernance à surveiller
Fils-Aimé est un homme de réseau, discret, stratège, mais peu connu du grand public politique. Son approche réaliste et managériale pourrait être un atout, mais aussi un risque si elle reste déconnectée des réalités populaires. Il devra créer des passerelles entre l’État et la rue, dialoguer avec les mouvements citoyens, impliquer les communautés dans la réflexion sur la sécurité, et ouvrir des canaux de communication constants avec la diaspora.
Les limites du pouvoir de transition
Toutefois, son pouvoir est limité. Le Conseil présidentiel de transition, composé de 7 membres aux intérêts divergents, contrôle les grandes décisions. Il devra négocier sans cesse, arbitrer, et composer avec un État affaibli, des réseaux de corruption tenaces, et des communautés internationales parfois plus inquiètes de la stabilité à court terme que de réformes profondes.
Quel avenir pour Haïti sous Fils-Aimé ?
Le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé se trouve à la tête d’un navire en détresse. Sa réussite dépendra non seulement de ses compétences, mais de sa capacité à mobiliser toutes les forces vives du pays autour d’une vision commune. Il doit affirmer un leadership audacieux, transparent et inclusif, tout en démontrant des résultats concrets dans les 12 prochains mois. Haïti n’a plus le luxe d’attendre. Il s’agit d’une course contre la montre pour restaurer la nation, redonner espoir aux citoyens, et empêcher l’effondrement total.
L’heure est à l’action!